L'importance des STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) s'accroît considérablement au 21e siècle. Les domaines STEM sont non seulement des moteurs essentiels de l'innovation et du progrès, mais ils recèlent également des solutions viables aux défis sociétaux contemporains. 

Néanmoins, le potentiel des STEM est limité par le fait que l'on néglige les contributions inestimables des femmes. La sous-représentation des femmes dans les STEM prive le domaine de perspectives diverses et, d'autre part, les filles et les femmes de l'égalité des chances et de carrières stimulantes. Les données statistiques de divers pays européens montrent les disparités entre les genres dans des disciplines spécifiques telles que la physique, les mathématiques, les statistiques, les TIC, la technologie et l'ingénierie, confirmant une sous-représentation significative des femmes dans les STEM (Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes 2018). Cette tendance a persisté au fil du temps et son explication est intrinsèquement complexe en raison de nombreuses variables et caractéristiques individuelles. Cependant, une part importante de l'écart entre les genres peut être attribuée à des obstacles enracinés dans les attitudes et comportements stéréotypés persistants liés aux différences perçues entre les sexes en matière de capacités et de performances, étant donné que les rôles, modèles et stéréotypes liés au genre et ancrés dans la société influencent les trajectoires éducatives et les décisions de carrière (Farias 2021). 

Dans l'Union européenne d'aujourd'hui, la discrimination fondée sur le genre ou tout autre motif, tel que la race, l'origine ethnique ou sociale, la religion, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, est strictement interdite. Malgré l'absence d'obstacles externes intentionnels excluant les filles et les femmes de l'enseignement ou de l'emploi dans les STEM (si l'on fait abstraction des problèmes structurels tels que l'accessibilité des crèches), le problème persiste et les femmes peuvent toujours être confrontées à un obstacle "interne" important connu sous le nom de menace du stéréotype. Ce phénomène psychologique constitue un obstacle, décourageant les filles et les femmes de poursuivre dans les domaines STEM malgré leurs capacités ou leurs intérêts (Spencer et al. 2016). Il est impératif de comprendre ces mécanismes et d'y remédier pour favoriser une plus grande diversité des genres et l'inclusion dans les domaines des STEM.

La menace du stéréotype décrit la situation dans laquelle il existe un stéréotype négatif sur le groupe d'une personne, et cette dernière est préoccupée par le fait d'être jugée ou traitée négativement sur la base de ce stéréotype (Spencer et al. 2016). La menace du stéréotype, telle que théorisée à l'origine par Claude Steele et ses collègues (Steele & Aronson 1995), découle d'indices situationnels qui suggèrent que les individus peuvent être jugés sur la base de stéréotypes négatifs concernant leurs identités sociales. Ces indices peuvent être déclenchés par divers facteurs tels que des publicités stéréotypées en fonction du genre, des déséquilibres numériques dans un environnement ou un comportement préjudiciable de la part de membres d'un groupe ayant un statut élevé. Plus précisément, dans le contexte des STEM, traditionnellement associés à un domaine masculin (Borsotti, 2018), les filles et les femmes subissent une pression supplémentaire par rapport à leurs homologues masculins - une pression pour éviter de confirmer le stéréotype alléguant l'infériorité intellectuelle de leur groupe.

Des études ont montré que cette pression supplémentaire peut nuire aux performances et réduire la capacité de la mémoire de travail, qui est nécessaire pour résoudre les questions difficiles, ce qui rend la réussite du groupe stéréotypé plus difficile. En fait, la menace du stéréotype peut expliquer une grande partie du phénomène de sous-performance - comme la sous-performance des femmes en mathématiques et l'écart entre les genres en sciences (Steele et al. 2002a, Walton & Spencer 2009 in Spencer et al. 2016). 

D'autre part, Walton & Spencer (2009 in Spencer et al. 2016) ont démontré un phénomène appelé effet de capacité latente, où les membres de groupes négativement stéréotypés sont en fait plus performants que les groupes non stéréotypés lorsque la menace du stéréotype est réduite. Cela suggère que dans des environnements exempts de menace du stéréotype, les individus issus de groupes stéréotypés peuvent exceller même au-delà de leur niveau de performance initial.

Outre son effet sur les performances, la menace du stéréotype a d'autres conséquences : 

• Elle favorise les émotions négatives dans le domaine stéréotypé : lorsqu'une personne passe un test à forte menace, elle signale une diminution de l'intérêt pour la tâche (Smith et al. 2007 in Spencer et al. 2016). 
• Elle diminue la perception de ses propres capacités dans le domaine stéréotypé : les filles de l'école primaire ont rapporté une diminution de la confiance en soi en mathématiques dans des conditions de menace élevée (Muzzatti & Agnoli 2007 in Spencer et al. 2016). Chez les jeunes adultes, les femmes soumises à la menace du stéréotype font plus d'attributions internes en cas d'échec à une tâche informatique que les hommes (Koch et al. 2008 in Spencer 2016).
• La diminution du plaisir et de la confiance en soi peut expliquer pourquoi les femmes qui subissent une menace du stéréotype signalent moins d'intérêt pour les domaines des mathématiques et des sciences et des aspirations plus faibles en matière de leadership (Davies et al. 2002, 2005 dans Spencer et al. 2016).

En fin de compte, la menace du stéréotype et son effet peuvent entraîner le retrait du groupe stéréotypé du domaine négativement stéréotypé - comme les filles et les femmes de l'éducation, de la recherche et des carrières dans les STEM.

Spencer et al. 2016 ont proposé trois stratégies de psychologie sociale fondées sur des données probantes pour réduire les effets pernicieux de la menace du stéréotype qui peuvent conduire à l'amélioration des performances des membres des groupes stéréotypés :

1. Les interventions de reconstruction visent à diminuer les effets négatifs de la menace du stéréotype en modifiant la perception du niveau de menace par les participants. Par exemple, la reconstitution des tests ou l'adaptation de la description d'un test pour souligner qu'il n'est pas diagnostique peut conduire à une amélioration des performances.
2. Les interventions d'adaptation consistent à fournir aux individus des techniques pour supprimer les pensées anxieuses ou à s'entraîner à résoudre des problèmes de test probables afin de les retrouver dans la mémoire à long terme. Sensibiliser les individus à la menace du stéréotype, les rassurer sur son illégitimité et les guider pour qu'ils attribuent l'anxiété aux stéréotypes peut également améliorer les performances. En outre, la formation à la pleine conscience, qui allège la charge de la mémoire de travail, s'est révélée prometteuse pour éliminer les effets de la menace du stéréotype. 
3. Créer des environnements sûrs sur le plan identitaire afin de rassurer les individus sur le fait que leurs identités sociales stigmatisées ne constituent pas un obstacle à la réussite. Cet objectif peut être atteint en facilitant les contacts positifs avec les membres du groupe majoritaire, en fournissant des modèles de réussite par des membres du groupe ou en faisant passer des tests aux membres du groupe.

Ces approches, si elles sont adoptées par les enseignants et les éducateurs, combinées à une sensibilisation accrue à la menace du stéréotype à laquelle sont confrontées les femmes dans les domaines des STEM, pourraient contribuer à la création d'environnements plus inclusifs dans l'éducation, faisant ainsi progresser l'égalité des chances.

En conséquence, les individus se sentiraient valorisés et soutenus indépendamment de leur identité sociale, ce qui conduirait probablement à une participation accrue des filles et des femmes dans les domaines des STEM. Cette participation accrue des femmes dans les STEM profiterait non seulement aux domaines eux-mêmes, mais aussi à la société dans son ensemble. 

Références:

Benish, S. (2018). Meeting STEM workforce demands by diversifying STEM. Journal of Science Policy & Governance, 13(1).

Borsotti, V. (2018). Barriers to gender diversity in software development education: actionable insights from a danish case study. In Proceedings of the 40th International Conference on Software Engineering: Software Engineering Education and Training (pp. 146-152).

European Institute of Gender Equality, 2018. Overview | Gender Statistics Database. EIGE.

Farias, S. S. (2021). O PISA 2018 e a educação STEM das raparigas. Instituto de Sociologia da Universidade do Porto.

http://www.barometro.com.pt/2021/08/02/o-pisa-2018-e-a-educacao-stem-das-raparigas/

Spencer, S. J. et al. (2016). Stereotype threat. Annual Review of Psychology, 67(1), 415–437.

https://doi.org/10.1146/annurev-psych-073115-103235 

Steele, C. M., & Aronson, J. (1995). Stereotype threat and the intellectual test performance of African Americans. Journal of personality and social psychology, 69(5), 797.